C’était une journée…
Une belle journée, tout à fait ordinaire,
Monotonie humaine, agitation rituelle,
Une belle journée à la fois douce, amère,
Comme on le dit souvent, le train-train habituel.
Un troupeau de poubelles attend sur le bitume
Des hommes matinaux, nerveux, fluorescents,
Un petit chien chétif promène un gros légume
Qui transpire en marchant, plus rouge que le sang.
Quelques vieux au passé, regard face aux carreaux,
Lorgnent bien tristement les vivants qui s’activent,
Seuls et l’âme vinaigre, dans leur geôle sans barreau,
Ils ruminent à plaisir des pensées négatives.
De tendres amoureux rentrent d’une nuit folle,
Ils s’embrassent rieurs, sautillant dans la rue,
Les yeux brillants d’envie, l’haleine chargée d’alcool,
Ils reviennent au nid pour se dévorer cru.
Au loin une sirène emmène vers la mort
Un cœur trop défaillant, un corps trop déclinant,
Chacun son tour m’ssieurs dames, chacun son triste sort,
Le temps s’amuse, se moque, filent filent les ans.
Les usines vrombissent dans un bruit de ferraille,
Ouvriers sémaphores dansent un joyeux ballet,
Un clochard sur un banc, abandonné, déraille,
Il raconte son ennui à un p’tit roitelet.
L’Hyper marché vomit des caddys d’nourritures,
Produits bien formatés, emballés et pesés,
Qui finiront sans doute dans la benne à ordures,
Bon appétit les gens, faut rien vous refuser !
Et les radios s’affolent, les télés mettent en scène
Les tensions dans le monde, la peur et puis la guerre,
On alimente la rage, la violence et la haine,
L’info devient spectacle gobé dans les chaumières.
Communiqué soudain venant de l’Elysée,
Le monde se tétanise, comment est-ce possible ?
Et puis brutalement, les bombes ont explosées,
La belle planète bleue est transformée en cible.
C’était une journée tout à fait ordinaire
Et de l’humanité, ce fut donc la dernière.
Ju’âne Pedro (octobre 2013)