Ego
En distribuant mes chansons à mon entourage,
Je reçois quelquefois de respectueux hommages,
Qui je dois bien vous l’avouer, flattent mon ego,
Qui a souvent tendance à se prendre pour Hugo.
On me dit littéraire et même un rien poète,
Ce qui évidemment me fait hausser la crête,
Comme un dindon jouant le fier coq de basse-cour,
Qui pourtant finira tristement dans le four.
Refrain
Je ne suis ni Hugo
Ni l’jeune Arthur Rimbaud
Et ni Apollinaire
Encore moins Jacques Prévert.
Mais faire rimer les mots n’est pas qu’une manie,
Je suis rongé par une pénible pathologie.
Quand de tournures anciennes j’habille mes chansons,
On me flatte, me vénère, m’appelle François Villon,
Ce qui me donne de vagues envies de délinquance
Qui risquent de me conduire tout droit à la potence.
Et si mes vers s’échauffent, paraissent se révolter,
On s’exclame à genoux ‘Ferré ressuscité’ !
Ah qu’il est difficile dans ces conditions
De garder l’essentiel de sa fragile raison !
Refrain
Quand comme un footballeur, je joue avec les pieds,
De mes alexandrins que j’aime tant faire chanter,
On s’étonne : « oh merveille, où vas-t-il chercher c’là ? »
Quel talent ! Quel talent ! Applaudissons bien bas. !
Et ces acclamations me font perdre la tête,
Et mes chevilles se gonflent et déchirent mes chaussettes.
S’il m’arrive de douter : « Suis-je un grand écrivain ? »
Un suppo au prozac m’apaise, me rend serein.
Refrain
Cette gênante maladie, je vais vous la décrire,
Priant que mon calvaire ne vous f’ra pas sourire.
Ma mère pourtant aimante négligeant ma santé,
Quand j’étais dans les langes oublia d’me purger.
Plutôt que de sortir par la région anale,
Les maudits vers montèrent, ce qui n’est pas banal,
Toujours un peu plus haut, jusqu’à toucher l’cerveau,
Contaminé hélas du berceau au tombeau.
Refrain
Mon médecin traitant, excellent praticien
M’ordonne régulièr’ment un régime draconien
Prescrivant sans réserve, qu’à grands coups de stylos,
J’extirpe tous ces vers de mon sénile cerveau.
Donc pour rester en vie, j’écris, j’écris, j’écris !
Le matin, le midi et bien souvent, la nuit.
Si mes vers se retrouvent dans le creux de vos mains,
Courez vite les laver, sont contagieux, malsains.
Je ne suis ni Hugo
Ni l’jeune Arthur Rimbaud
Et ni Apollinaire
Encore moins Jacques Prévert.
Mais faire rimer les mots n’est pas qu’une manie,
Je suis rongé par une pénible pathologie.
Jean-Pierre Georget