Crachin chagrin
Comme tous les hypocondriaques,
Il se croyait toujours patraque
Et gavait d’suppos parfumés
Son fondement aseptisé.
Adepte du régime crétois,
Il câlinait son estomac,
En mangeant jamais de cochon
Car ça rend l’intestin ronchon.
Pourtant…
On l’a enterré ce matin,
Sans un chagrin, sous un crachin.
Il est tombé et c’est crétin,
Fauché par le rhume des foins.
Ce sont les aléas d’la mort,
Me direz-vous
En matière de réconfort,
Pauvre de nous.
Tous les ans à la même date,
On lui contrôlait la prostate,
Et avant de bronzer l’été,
Il vérifiait ses grains d’beauté.
C’était le roi des analyses
Et les résultats sa hantise,
Car à la moindre anomalie,
Il se collait de suite au lit.
Pourtant…
On l’a enterré ce matin,
Sans un chagrin, sous un crachin.
Il est tombé et c’est crétin,
Fauché par le rhume des foins.
Ce sont les aléas d’la mort,
Me direz-vous
En matière de réconfort,
Pauvre de nous.
Il traversait entre les clous,
En prenant bien garde aux deux roues,
Ne conduisait plus sa voiture,
Pour n’pas finir en confiture.
Il sortait très peu de chez lui
Et travaillait sur son ordi,
Pour une entreprise d’export
D’un médicament Médiator.
Pourtant…
On l’a enterré ce matin,
Sans un chagrin, sous un crachin.
Il est tombé et c’est crétin,
Fauché par le rhume des foins.
Ce sont les aléas d’la mort,
Me direz-vous
En matière de réconfort,
Pauvre de nous.
Distrait, s’il se trompait de femme,
S’posait trois capotes sur son âme,
Pour éviter qu’un sale virus
Sournoisement lui cherche des puces.
Il craignait tant les gonocoques,
Que chez lui il avait un stock
D’antibiotiques très puissants,
A vous guérir un éléphant.
Pourtant…
On l’a enterré ce matin,
Sans un chagrin, sous un crachin.
Il est tombé et c’est crétin,
Fauché par le rhume des foins.
Ce sont les aléas d’la mort,
Me direz-vous
En matière de réconfort,
Pauvre de nous.
De longues vies suivent le cortège,
Cheveux grisonnants, cheveux neige,
Un bras d’honneur du très grand âge
A une vie terne et trop sage.
Les cloches sonnent son départ,
Mais chacun dans son coin s’ prépare,
A ce voyage mystérieux,
Sans les violons d’André Rieux.
Et oui…
On l’a enterré ce matin,
Sans un chagrin, sous un crachin.
Il est tombé et c’est crétin,
Fauché par le rhume des foins.
Ce sont les aléas d’la mort,
Me direz-vous
En matière de réconfort,
Tant pis pour nous.
Ju’âne Pedro