Elle a mordu l’facteur !
Elle a une tête à faire peur ,
A dévorer le facteur ,
Avec ses dents en avant.
Ses yeux doux sont bien trompeurs ,
Elle ne craint pas les dompteurs
Et attaque au gré du vent.
Tu es calme et gentil comme un brave agnelet ,
Tu dis rien , tu fais rien , t’es même un rien simplet ,
T’es dans ton petit coin comme un vilain canard
Et tu entends ton nom suivi du mot conard.
Tu sursautes effrayé et tremble de tout ton corps ,
Tu te dis nom de Dieu , que me veut-elle encore ,
J’ai lavé la vaisselle , terminé le ménage ,
Alors bon sang pourquoi pique-elle une crise de rage.
Elle a une tête à faire peur ,
A dévorer le facteur ,
Avec ses dents en avant.
Ses yeux doux sont bien trompeurs ,
Elle ne craint pas les dompteurs
Et attaque au gré du vent.
Tu invites un copain , le plus sobre de tes potes ,
Qui surveille son langage car il craint la despote ,
Deux trois douzaines de bières se vident dans les gosiers
Et hop une petite sieste à côté des rosiers.
Fallait pas oublier de tondre le gazon ,
Il te faut reconnaître qu’elle a bien eu raison
De te coller un gnon appuyé et sévère ,
Sous le regard rieur de ton ami pervers.
Elle a une tête à faire peur ,
A dévorer le facteur ,
Avec ses dents en avant.
Ses yeux doux sont bien trompeurs ,
Elle ne craint pas les dompteurs
Et attaque au gré du vent.
Et pendant que tu pousses une vieille tondeuse fumante ,
La bête sauvage , hargneuse et quasiment démente ,
Agresse brutalement le témoin du conflit
Et l’emmène sans vergogne dans le creux se ton lit.
Ses appels au secours et ses cris de terreur
Sont couverts , étouffés par le bruit du moteur ,
Les murs de la masure tremblotent et se fissurent ,
Par la fenêtre s’envolent une paire de chaussures.
Elle a une tête à faire peur ,
A dévorer le facteur ,
Avec ses dents en avant.
Ses yeux doux sont bien trompeurs ,
Elle ne craint pas les dompteurs
Et attaque au gré du vent.
Ton camarade d’usine , épuisé , essoré ,
Titube les yeux hagards devant la porte d’entrée ,
Jean et polo tout neuf , déchirés , en haillons
Et serré sur la bouche un torchon , comme bâillon.
Les yeux baissés , honteuse , la belle se dandine ,
Pour se faire pardonner , elle offre une grenadine
Pour trinquer tous les trois , ensemble , à l’unisson ,
Contents d’être les héros de cette si belle chanson.
Elle a une tête à faire peur ,
A dévorer le facteur ,
Avec ses dents en avant.
Ses yeux doux sont bien trompeurs ,
Elle ne craint pas les dompteurs
Et attaque au gré du vent.
Jean-Pierre Georget