LE SEVICE MILITAIRE
Nous les joyeux app’lés,
Dans nos casernes dorées,
Bichonnés et bordés
Par l’adjudant d’semaine,
Nous les joyeux app’lés,
Dans nos casernes dorées,
Encadrés par l’armée
Menions une vie saine.
Ni bataille héroïque,
Ni violentes charges épiques,
Ni combats homériques,
Comme seule arme un balai
Qu’ l’on passait frénétique,
Sous l’œil sarcastique
D’un adjudant sadique
Qui hurlait comme un geai.
Un souvenir me hante,
Une mission captivante,
Qu’ la chose malodorante
Nous confia, solennelle.
Ses paroles bienveillantes,
Flatteuses et émouvantes,
Nous parurent étonnantes
D’la part d’ce Machiavel.
A défaut de combat
Au milieu du fracas
Des canons, des gravats,
A défaut d’en découdre,
L’adjudant délicat
Martial’ment nous donna,
Pour chacun d’nos mat’las
Une étiquette à coudre.
En rangers et treillis,
A g’noux au bord du lit,
Concentrés, réfléchis,
Une aiguille à la main,
Chaque soldat entreprit,
Avec beaucoup d’soucis,
Une bonne dose d’énergie,
De piquer quelques points.
L’adjudant tatillon
Contrarié et bougon
Par l’aproximation
De nos travaux d’couture,
A renfort de jurons
Arracha, quel affront,
Les morceaux de coton
Ah quelle déconfiture.
Et nous en pleine retraite,
Constatant notre défaite,
Un peu tristes, un peu bête,
Vraiment découragés,
Regardions l’adjupète
Coudre les étiquettes
Comme une gentille cousette
Avec dextérité.
Le grassouillet sous-off
Fixait les bouts d’étoffes,
Tout en se la jouant prof
Excellent pédagogue,
Et nous très philosophes,
Frôlant la catastrophe,
Recousîmes les étoffes,
Craignant la corvée d’gogues.
Mais la bête magnanime
Nous fit plutôt bonne mine
En montrant ses canines :
« C’est pas mal pour des bleus,
C’est mieux qu’à la machine !
Allez faut qu’ça turbine
Comme des p’tites mains de Chine »
Ricanait le gros bœuf.
Et depuis quand j’entends
Les «anciens combattants »
Dire que le régiment
A fait de nous des hommes,
J’ me dis quelle infamie
Que les jeunes d’aujourd’hui
N’goûtent point à c’paradis,
C’est tant pis pour leur pomme !!!
Jean-Pierre Georget :24: