Le taiseux

LE TAISEUX Sortant du ventre de sa maman, On ne l’entendit pas pleurer, La sage femme du l’fesser dur’ment Pour qu’il daigne se mettre à crier. Et plus tard à la maternelle, Il était loin d’être turbulent, Toujours le nez sur son manuel, Il méditait en somnolent. C’est un taiseux Au collège tous ses professeurs S’épuisèrent à le faire parler, Mais le gamin têtu, frondeur, Refusa de capituler. Bien sur ses camarades d’ennui Essayèrent de l’apprivoiser, Sans succès car vite éconduits, Pas question de sympathiser. C’est un taiseux. Vite fatigué par les études, Il alla bosser à l’usine, Et sans la moindre lassitude, Il turbinait comme une machine. Et ses camarades de misère Essayèrent bien de dialoguer, Mais de son sombre caractère S’étaient rapid’ment fatigués. C’est un taiseux. Quelques belles ouvrières fessues Lui envoyèrent de franches œillades, Mais elles furent fortement déçues Par l’indifférent camarade. Alors des garçons s’hasardèrent A lui faire des propositions, D’un geste quasiment débonnaire, Il dit non sans indignation. C’est un taiseux. Il habitait seul, en campagne, Au milieu de quelques poulets Et se nourrissait de lasagnes Et de boîtes de cassoulet. Quelques vaches voulurent converser D’un beuglement très raffiné, Mais il paraissait si coincé Qu’elles l’ignorèrent pour ruminer. C’est un taiseux. Quand au village il débarquait Pour faire ses courses trimestrielles, L’épicière de lui se moquait, Riant en secouant ses mamelles. Il sortait sous les quolibets Sans pourtant se laisser abattre, Et fièr’ment le torse il bombait Ignorant l’ horrible acariâtre. C’est un taiseux. Quand on retrouva la mégère Etranglée au bord d’un fossé, Les gendarmes sur lui orientèrent Leur enquête vite diligentée. Les jurés, à la guillotine, L’envoyèrent sans aucun remord, Il ne fît même pas triste mine, Sans rien dire accepta son sort. C’est un taiseux. Et il refusa d’énoncer, Quand on l’attacha sur la veuve, La moindre dernière volonté, Sans que personne ne s’en émeuve. Sa tête à peine dans la sciure, On découvrit le vrai coupable, Mise en cause la magistrature Traita les gendarmes d’incapable. Faute au taiseux. La morale de cette triste histoire, C’est qu’il faut mieux être un bavard, Qu’un pauvre taiseux. Jean-Pierre :54:

Commentaires

  • Louis Abel

    1 Louis Abel Le 19/12/2007

    Oui c'est tout à fait çà.

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